“Once upon a time” un récit écrit par Danielle Brülhart

L’histoire de Danielle est parue dans la collection francophone des « Histoires de vie du Bistrot d’Échange ». Certaines personnes nous plaisent au premier regard, Danielle en fait partie. Elle a beaucoup réfléchi à son parcours, elle connaît ses forces et compose avec la souffrance vécue dans son enfance. Son pragmatisme m’impressionne. Elle a eu le courage d’écrire seule son histoire il y a quelques années, mais il manque quelques pages pour que son livre intègre la collection « officielle ».

Un récit du Bistrot d'Echange

“J’ai commencé à fouiller le passé bien avant que l’on ne parle des mesures de coercition. Jusque-là j’ai cru que c’était ma mère qui m’avait placée. Entreprendre des recherches officielles, c’est accepter de confronter ses propres souvenirs à la réalité et en assumer les effets, les conséquences.”

Danielle Brülhart

Écrire pour se réapproprier son parcours

Raconter et écrire son histoire, de manière accompagnée, permet de donner un sens renouvelé à son parcours et d’y porter un regard nouveau. En s’exprimant par le biais du récit et de l’écriture, la personne concernée se réapproprie son vécu tout en gardant le contrôle sur ce qu’elle dévoile et la manière dont elle le fait. Écrire sur sa vie et relire ses propres mots peut alors devenir un outil pour mieux intégrer et réfléchir à son histoire.

Le texte de Danielle était déjà terminé, il n’était pas question d’écrire à sa place mais uniquement de l’accompagner pour augmenter la première version de son histoire. Après une discussion pour nous mettre d’accord sur notre future méthode de travail, Danielle poursuit sa réflexion autour de son histoire à partir de mes questions. Quatre mois plus tard, nous actons ensemble la parution de « Once upon a time » lors du vernissage de la collection des « Histoires de vie du Bistrot d’Échange » à Soleure.

Un passé collectif douloureux

Jusque dans les années 80, et avec la complicité de la Confédération, des milliers de personnes sont placées ou internées dans des institutions (religieuses, psychiatriques, voire dans des prisons), des foyers ou des familles d’accueil sans décision judiciaire. Par le biais de son programme « Enfants de la grand-route », Pro Juventute, dont le fondateur et directeur fut accusé d’abus sexuels tout comme son successeur, prévoyait l’assimilation forcée des enfants Jenisch ainsi que l’empêchement des naissances par la stérilisation. Pour les femmes et les enfants concernés, ce fut la porte ouverte aux mauvais traitements et aux abus.

Ce n’est qu’en 2016, et grâce aux efforts des victimes, que le Parlement suisse se penche sur cette partie peu glorieuse de l’histoire suisse. Une lettre et des excuses officielles ainsi qu’une contribution de solidarité versée aux victimes, marquent une reconnaissance des injustices qu’elles ont subies et une forme de réparation. Cette démarche a permis au monde politique et à la société de rétablir, en partie, un sentiment de justice.

Un espace pour briser le silence

Aujourd’hui, les personnes touchées peuvent entamer un travail plus approfondi sur leur propre histoire. Pour les accompagner dans cette démarche, un espace dédié à la rencontre, au dialogue et aux échanges s’avère essentiel. C’est le rôle du Bistrot d’échange, qui organise des événements spécifiquement conçus pour ces personnes. Ce projet, porté par les victimes elles-mêmes, bénéficie du soutien de l’Office fédéral de la justice ainsi que de la Fondation Guido Fluri. Depuis 2021, j’ai le plaisir d’être invitée par l’association à animer des cafés-récits adaptés à certains événements.

Depuis 2022, le Bistrot d’échange valorise également l’écriture des récits de survivant.es. Au vu du nombre de personnes concernées, il n’est pas exagéré de parler de traumatisme collectif. Certaines victimes gardent le silence sur leur passé. Ce qu’elles ont vécu est parfois tellement violent qu’elles craignent de ne pas être crues. La culpabilité et la honte imposent parfois de se taire. Donner de la visibilité à ces histoires, c’est offrir la possibilité aux victimes de se rendre compte qu’elles ne sont pas seules. Elles revendiquent ainsi un espace dans la sphère publique pour raconter ce qui s’est réellement passé. Écrire, c’est documenter pour ne pas oublier.

Je vous invite à visiter le site du Bistrot d’Échange et à soutenir leurs activités.

https://erzaehlbistro.ch/fr/

Témoignages des personnes concernées par les mesures de coercition à des fins d’assistance :

https://erzaehlbistro.ch/fr/temoigner/